LES ARDENNES INTERDITES
Les grottes de Nichet
DEUX sylphides sont pétrifiées là pour l’éternité. Leur mouvement vers le soleil stoppé net à 30 mètres sous terre. La lumière ne filtre pas dans leur caverne. Elles ont des millions d’années. Une des premières merveilles de la grotte des Tassons, visible après un cheminement de près d’une heure dans les entrailles de la terre.
Pour atteindre cette première caverne, il a fallu descendre en rappel un puits avec étranglement vertical d’une vingtaine de mètres, se glisser sous un bloc, marcher à quatre pattes dans un boyau. Un petit effort encore et voilà une large excavation.
Dans cette aventure, notre équipe était heureusement accompagnée de deux spéléologues confirmés : Éric Burdot qui pratique depuis l’âge de 14 ans et José Privot, dont la longueur du CV spéléo occuperait ici toute la place.
Une montagne de méduses
À la lumière des lampes à leds accrochées à nos casques, un monde magique de calcaire marbré se dévoile : une montagne de méduses fait son entrée entre deux draperies, un bestiaire se cache dans les stalagmites et les stalactites, une pendeloque suspendue ressemble à un énorme cœur. Celui de la terre peut-être ?
José Privot l’affirme : « La terre est une matière vivante ». Rétractation en hiver, dilatation en été. « La grotte évolue naturellement en permanence, ne serait-ce que par la néofracturation, même si la secousse tectonique n’est pas importante».
L’histoire de ces excavations commence avec « la formation des Alpes qui a aussi eu une incidence sur le massif des Ardennes. Les couches sont remontées de 70 à 80 degrés ».
Chaque goutelette compte
L’eau s’est alors engouffrée dans les failles et sa puissance a érodé la pierre provoquant des cavernes, des marmites, etc. Les formes sont apparues ensuite avec la percolation de l’eau qui, chargée en calcaire, a commencé à se figer en des formes plus ou moins oniriques.
José Privot a l’œil et ne vous laisse pas toucher n’importe quoi car chaque goutelette écrasée sous un doigt est perdue. D’après Nathalie Urlacher, guide des grottes de Nichet : « Un centimètre de concrétion se forme tous les cent ans ». La moindre intrusion dans le milieu le met en danger. En témoigne la salle blanche. Là, il a fallu ramper sur le dos pour y accéder et prendre garde de choisir les bons appuis.
Immaculées au moment de sa découverte en 1953*, les parois semblent aujourd’hui couvertes d’une cire caramel, et c’est sans compter les pillages.
José Privot est écœuré : « On saccage au nom du privilège du regard chez soi ou du mercantilisme. La beauté d’une concrétion se révèle dans son milieu. »
Heureusement, la difficulté du parcours n’encourageant pas les curieux, la roche reprend peu à peu ses droits. Mais sa dureté n’est qu’apparence car il lui a déjà fallu des millions d’années pour donner à voir ses beautés.
Cette partie a été découverte en 1953 alors que les grottes de Nichet se visitaient depuis 1895. C’est le sauvetage d’un chien tombé dans un trou, qui a révélé l’excavation.
Nathalie Diot
Photos : Christian Lantenois